Marie Sizun
La gouvernante suédoise
éditions arléa – 2016 – 307 pages – 20 euros

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Bientôt se levait, avec le souvenir des récits de tante Alice,
tout un passé 
semé d’ombres et de silences.

L’histoire familiale se conjugue au passé dans ce neuvième roman de Marie Sizun. La narratrice retisse les liens d’amour et d’amitié vécus par ses ancêtres : Livia, Hulda et Léonard. En 1873, Livia entre au service du jeune couple franco-suédois, Hulda et Léonard, en qualité de gouvernante. Hulda est une mère tendre mais débordée. Réticente à confier ses enfants, elle se laisse rapidement conquérir par cette jeune femme Livia dont l’autorité naturelle la rassure. Elles se lient d’amitié et leur vie à Stockholm se déroule dans un bonheur serein partagé par tous. Les affaires de Léonard les obligent à déménager en France, à Meudon. La famille connaît alors des problèmes financiers et vit dans un huit-clos mortifère. La relation amoureuse et adultère de Livia et Léonard, le départ de la gouvernante plongent Hulda dans la dépression malgré le retour de Livia et une nouvelle naissance.

La gouvernante suédoise est une histoire d’amour et d’amitié qui se conjugue à trois dans une tension permanente, se lie dans un frôlement, l’intimité de la nuit, un regard partagé, se dénoue en silence pour se recomposer à nouveau. Rien ne peut séparer Livia, Hulda et Léonard malgré la jalousie, l’éloignement, les ressentiments. L’équilibre de Livia, Hulda, Léonard est indissociable de ce trio sans cesse réinventé, aux multiples possibles, aux renoncements douloureux mais silencieux. Marie Sizun nous invite à remonter le temps, à réinventer des vies en compagnie de la narratrice et de ses « peut-être » qui jalonnent la narration. Ses intuitions nous happent et nous attachent à ces trois destins indéfectiblement unis : Livia est lumineuse et retenue, Hulda sensible et passionnée, Léonard apparait énigmatique et charismatique, de plus en plus ombrageux. De Stockholm à Meudon, ce huit-clos est porté par l’écriture délicate de Marie Sizun qui nous brosse chaque tableau par petite touche impressionniste. Nous sommes littéralement plongés dans les décors qui accueillent cette famille et la société bourgeoise de ces années 1867 – 1877. Un très beau roman qui s’inscrit logiquement dans l’oeuvre de Marie Sizun et son thème de prédilection – l’exploration de l’histoire familiale – mais La gouvernante suédoise réinvente avec talent l’univers de cette auteure sensible qui décrypte avec force et pudeur la subtilité des relations humaines.