Quatre romans puissants
empreints d’humanité

 

Il y est question de filiation, de rapport à
à l’autre, à soi, au monde, au destin de chacun(e)
de Marseille au Québec

pour arpenter la vie & arpenter le monde

Quatre textes conseillés
par l’équipe des Bien-aimés à Nantes

 

Ainsi parlait ma mère
Rachid Benzine

Seuil – 2020 – 13€

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Un fils qui donne sa vie à sa mère qui ne lui a rien demandé. Une mère qui a donné sa vie à un fils qui ne lui a rien demandé. Voilà, c’est la vie donnée et accordée des deux côtés, de l’enfance à la vieillesse. Ce n’est pas nouveau mais le texte de Rachid Benzine est si naturaliste, au pied du lit de sa mère malade, si sincère, si embué de souvenirs chantants qu’on se laisse prendre, tout à fait. On pense aux très beaux textes de Magyd Cherfi ou d’Abdellah Taïa, tous fils d’une mère immigrée. C’est quoi grandir dans un pays où sa mère ne parle par la même langue qu’à l’école ? C’est quoi apprendre une langue en chantant la variété française ? C’est quoi lire Balzac à une mère marocaine illettrée ? Il est beaucoup question de langue dans ce récit, celle qu’on apprend par cœur, par émotion ou obligation et celle qu’on réinvente pour mieux se comprendre au sein d’une famille. La langue comme un nouveau pays d’adoption, avec ses découvertes et ses jeux infinis.

 

 

LES FALAISES
Virginie DeChamplain

La Peuplade – 2020 – 18€

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V.retrouve sa maison natale, en Gaspésie, tout au bout du bout du Québec , là où sa mère vient d’être retrouvée morte, dans les vagues du Saint-Laurent. Elle se réfugie entre les 4 murs de la maison qui a renfermé la vie de sa mère et de sa grand-mère. Ce roman, rempli d’éléments naturels comme le vent, le froid, les embruns, vous accroche dès les 1ères lignes. Il faut dire que la couleur québécoise de la langue y est pour beaucoup. Un délice d’images et d’inventions pour nos oreilles. La narration de cette fille perdue entre douleur et retour sur elle-même oscille entre vérité crue, humour et poésie. V. a son chemin à faire pour sortir de cette ornière mais elle peut compter aussi sur un élan vital, une lumière réjouissante dans ce chaos. Les Falaises est un petit bijou de forces vives qui devraient se passer de mains en mains, sans oublier qu’il donne furieusement envie d’aller en Gaspésie et en Islande…

 

 

Il est des hommes qui se perdront toujours
Rebecca Lighieri

 

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P.O.L – 2020 – 21€

Lecture totalement addictive que celle-ci ! Après Les garçons de l’été, l’autrice aux deux signatures (R. Lighieri et E. Bayamack-Tam) nous plonge au sein d’une cité des quartiers nord de Marseille. A hauteur d’enfance et d’adolescence maltraitée, l’histoire nous maintient la tête droite tant bien que mal au milieu de la débrouille et d’une fratrie au combien attachante (un frère aîné, sa sœur cadette et son petit frère). Que faire d’une vie si mal partie quand on a 16 ans, qu’on est si beau garçon mais que l’horizon est bouché ou raconté d’avance ? Les scènes qui font grandir les personnages nous happent, nous forcent à vivre une vie si arbitraire et si sensuelle à la fois. Comme dans les films de Kechiche, les héros dévorent un monde qui passe avant tout par le corps, celui qui a survécu à une enfance volée mais celui qui peut se comparer. R. Lighieri enfonce le doigt là où ça fait mal, abandon des quartiers, domination masculine, domination de classe mais surtout elle nous raconte une sacrée histoire. Voici un grand roman, arcbouté sur une trame infernale. Voici un texte brûlant qui aborde les mêmes thèmes qu’un Edouard Louis (Eddy Bellegueule ou Histoire de la violence) mais sans « prétention », et avec la rage de faire réfléchir de nouveau à nos instincts dominants.

 

 

Tenir debout dans la nuit
Eric Pessan

Ecole des Loisirs – 2020 – 13€

 

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Une adolescente qui vit seule avec sa mère se voit offrir un séjour à New-York par un copain d’école. Jusque-là, c’est un rêve qui se réalise pour Lalie, oui, sauf qu’à peine débarquée dans l’appartement de Brooklyn, son camarade Piotr va devenir très entreprenant puis harcelant puis passer à la violence pour coucher avec elle, comme si Lalie lui devait bien quelque chose… Lalie va s’enfuir et le roman nous raconte avec tendresse et justesse l’errance de cette ado dans les rues de NY. Lalie pose des mots sur ce qui vient de lui arriver, elle qui se croyait pourtant si informée et à l’abri. On ne peut s’empêcher de penser à L’Attrape-cœurs de JD Salinger en lisant ce roman, on y trouve l’errance d’une héroïne en colère, livrée à ses peurs et retrouvant aussi sa liberté. Gageons que ce roman sera un parfait support pour les adultes et les enseignants pour aborder les questions du harcèlement et que nombre d’adolescentes se sentiront également touchées par la justesse des sentiments traversés.

 

Les Bien-aimés
en compagnie de Cécile Menanteau
& de Géraldine Schiano de Colella
2 rue de la Paix – Nantes