Archive: Avr 2017

Escale océanienne avec Anne Bihan

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Ce vendredi 21 avril à 19h30
A Gwrizienn – Becherel – 35

La poésie océanienne est à l’honneur en compagnie de Anne Bihan autour de son recueil Ton ventre est l’océan (éditions Bruno Doucey). Anne Bihan nous lira ses poèmes et les textes de poétes océaniens contemporains extraits notamment de l’anthologie Outremer, trois océans en poésie (éditions Bruno Doucey). Une soirée métissée entre Bretagne et Nouvelle-Calédonie, entre Atlantique et Pacifique.

Informations & réservations :
Gwrizienn – 0299668709

& En un clic : Thé, café et poésie 2017

Pour les auteurs et journalistes en Turquie

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Bonjour,

La Fédération est signataire & solidaire de cet appel lancé par Tieri Briet pour alerter sur les menaces qui pèsent sur les auteur(e)s et journalistes en Turquie. Nous vous communiquons ci-dessous ce texte dans son intégralité et vous pouvez retrouver toutes les informations sur : https://uncahierrouge.net/

 

L’interminable liste des auteurs et écrivains emprisonnés en Turquie

Aujourd’hui, lundi 10 avril 2017, ils sont plus de 160 journalistes emprisonnés en Turquie. Nous n’acceptons pas. Au milieu de cette tragédie politique, des grèves de la faim et des tortures en prison, 28 auteurs et écrivains sont eux aussi emprisonnés ou menacés de l’être. Nous n’acceptons pas. Cette liste, inacceptable, interminable, est une réponse à l’appel qu’Aslı Erdoğan avait lancé depuis la prison des femmes d’Istanbul, en décembre 2016 : « De nombreux signes indiquent que les démocraties libérales européennes ne peuvent plus se sentir en sécurité alors que l’incendie se propage à proximité. La “crise démocratique” turque, qui a été pendant longtemps sous-estimée ou ignorée, pour des raisons pragmatiques, ce risque grandissant de dictature islamiste et militaire, aura de sérieuses conséquences. Personne ne peut se donner le luxe d’ignorer la situation, et surtout pas nous, journalistes, écrivains, universitaires, nous qui devons notre existence même à la liberté de pensée et d’expression. »

Non, nous n’ignorons pas. Et nous n’accepterons jamais qu’on emprisonne ceux qui écrivent.

Gérard Alle, écrivain – Joseph Andras, auteur – Pascal Arnaud, Quidam éditeur – Pierre Astier, agent littéraire – L’Autre Quotidien, Nuit&Jour – Adeline Baldacchino, écrivain – Ballast, revue – Zoé Balthus, écrivain et journaliste – Marie Bardet, journaliste, auteur – Arno Bertina, écrivain – Bilor  Bilor, passeuse de poèmes – Sandrine Bourguignon, auteur – Tieri Briet, écrivain – Geneviève Brisac, écrivain – Alexandre Brutelle, journaliste – Yves Charnet, écrivain – Emmanuelle Collas, éditrice aux éditions Galaade – Catherine Coquio, universitaire – Eve Couturier, réalisatrice radio et artiste sonore – Olivier Delorme, romancier et historien – Diacritik, web magazine – Sebastien Doubinsky, écrivain – Annie Drimaracci, auteure et peintre – Eugène Durif, auteur – Pierrette Epsztein, professeur de lettres et écrivain – Claude Favre, poète – Fédération des Cafés-librairies de Bretagne – Maria Ferragu, libraire – Festival de cinéma de Douarnenez – Chantal Flament, bibliothécaire – Patrice Franceschi, écrivain – Christian Garcin, écrivain – Nathalie Jehan, assistante maternelle, amoureuse de la liberté et de la poésie – Joël Jouanneau, auteur et metteur en scène – Clotilde Hesme, comédienne – Marie Huot, auteur de livres de poésie – Sabine Huynh, poète, écrivain, traductrice – Xavier Lainé, écrivain – Mona Latif-Ghattas, écrivain – Roxanne Lebrun, comédienne – Anne Lefèvre-Balleydier, journaliste free-lance – Alain Le Flohic, festival Noir sur la ville – Joelle Losfeld, éditrice – Virginie Lou-Nony, écrivaine – Valérie Manteau, éditrice et écrivaine – Christine Marcandier, journaliste et maître de conférences en littérature française – Laurent Margantin, auteur et traducteur – Jean-Michel Maulpoix, écrivain et professeur à la Sorbonne nouvelle – Danielle Maurel, journaliste littéraire – Simone Molina, poète et psychanalyste – Ricardo Montserrat, écrivain et dramaturge – Jean-Jacques M’µ, éditeur ABC’éditions Ah Bienvenus Clandestins ! – Valia Nicoltzeff, éditions aux Pieds nus en mouvement – Edith Noublanche, traductrice et correctrice – Dominique Ottavi, poète – Sara Oudin, traductrice et poète – Yann Patin de Saulcourt, blogueur et militant pour la paix – Christian Perrot, journaliste – Eric Pessan, écrivain – Hélène Peytavi, peintre – Serge Quadruppani, écrivain – Valérie Rouzeau, poète et traductrice – Jacques Serena, auteur – Jean-Pierre Siméon, poète et dramaturge – Marie-Anne Thil, journaliste à France-Arménie – Caroline Troin, association Rhizomes – Antigone Trogadis, écrivain – Thomas Vinau, écrivain – Sarah Voisin, marionnettiste et ateliers d’écriture –

L’interminable liste

Ahmet Abakay, né en 1950, journaliste et écrivain. Son dernier livre, Les derniers mots de Hoşana, paru en 2013, est un portrait de sa mère qui lui a révélé, quelques jours avant sa mort, ses origines arméniennes, restées secrètes durant 82 années.  Turque alévie mais une Arménienne. Non, elle n’était pas cette Turque alevie pour laquelle tout le monde la prenait. En osant rendre publique l’histoire de sa famille, certains de ses proches l’ont répudié et menacé l’écrivain de représailles. Ahmet Abakay est aussi président de l’Association des Journalistes Progressistes. A ce titre, il a déclaré : «Ceux qui ne sont pas proches du gouvernement ne peuvent pas survivre dans les médias. Les professionnels des médias vivent maintenant dans la terreur». Il a été condamné à une peine de prison avec sursis pour avoir participé à la campagne de solidarité du journal Özgür Gündem.

Necmiye Alpay est née en 1946. Elle est linguiste, écrivaine et traductrice du français vers le turc. Elle a étudié les sciences politiques à Ankara et obtenu un doctorat en économie à l’université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, en 1978. Elle a publié plusieurs ouvrages sur la langue turque, consacrant beaucoup d’énergie à améliorer la qualité du turc écrit. Elle a aussi traduit des livres d’Edward Saïd, Lénine, Paul Ricœur et René Girard.

Necmiye Alpay s’est beaucoup engagée pour défendre  la liberté d’expression en Turquie, tout en militant pour la paix entre la Turquie et le PKK, le Parti des travailleurs kurdes, considéré comme une organisation terroriste par le pouvoir. Elle a été emprisonnée 136 jours à partir du mois d’août 2016 et libérée après l’audience du 29 décembre 2016. Elle demeure menacée de prison pour sa collaboration avec le journal Ozgür Gündem, aujourd’hui interdit. Lors de l’audience du 14 février 2017, les procureurs ont demandé la peine maximale de huit ans pour “propagande d’une organisation terroriste” et “divulgation de communiqués de presse de l’organisation”, en se référant au PKK. Son procès n’est pas terminé et une quatrième audience est prévue pour le 22 juin 2017.

Ahmet Altan est né en 1950, très connu en Turquie comme romancier et comme journaliste, rédacteur en chef pendant plusieurs années pour le journal Taraf, mais aussi chroniqueur pour Hürriyet et Milliyet. Il n’en est pas à sa première inculpation et s’il est aujourd’hui derrière les barreaux, c’est après avoir été mis en garde à vue et relâché puis arrêté une seconde fois le 22 septembre 2016, avec de lourdes charges : lui et son frère Mehmet sont accusés d’avoir contribué à la tentative de coup d’État de juillet 2016, et d’être membres d’une organisation terroriste – comprenez FETÖ et la confrérie Gülen.

Il faut dire que depuis des années, le pouvoir turc tente en vain de faire taire Ahmet Altan : une vingtaine d’actions en justice lui ont été intentées pour ses écrits, dont sept l’opposant à l’actuel président Recep Tayyip Erdoğan. Alors l’occasion était trop belle. Même si le prétexte à l’arrestation des deux frères ne tient franchement pas la route : ils sont accusés d’avoir délivré des « messages subliminaux annonçant la tentative de coup d’État », au cours d’une émission télévisée qui avait eu lieu la veille, soit le 14 juillet, et où ils étaient les invités de la journaliste Nazlı Ilıcak, arrêtée elle dès le 29 juillet.

Deux de ses romans, devenus best sellers en Turquie, ont été traduits et publiés aux éditions Actes SudComme une blessure de sabre, en 2000, et L’Amour au temps des révoltes, en 2008.

Mehmet Altan est né en 1953 à Ankara. Journaliste, écrivain et universitaire, emprisonné lui aussi depuis septembre 2016. Sept mois et pas de date annoncée pour son procès, alors qu’il est accusé d’avoir contribué à la tentative de coup d’État de juillet 2016, et d’appartenir à la confrérie Gülen. Auparavant, il a obtenu un doctorat en relations internationales à la Sorbonne et publié, à partir des années 80 une vingtaine d’ouvrages. L’un d’eux porte sur l’assassinat du journaliste Hrant Dink, un autre sur les liens qui unissent le nationalisme et le banditisme. Autant de sujets dangereux à aborder en Turquie.

Sara Aktaş est une jeune poète kurde, auteur de deux recueils et membre du Congrès des Femmes Libres. Elle a publié deux recueils de poésie. Elle a été emprisonnée le 14 décembre 2016 et mise en liberté conditionnelle le 21 mars 2017, privée de son passeport et condamnée à neuf ans de prison. Elle est accusée d’être une figure de proue du KCK (Union des Communautés du Kurdistan), branche urbaine du PKK et a été arrêtée à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, alors qu’elle se rendait en Allemagne avec un faux passeport.

Ilham Bakir est né à Bitlis en 1968. Il est auteur de théâtre, journaliste et scénariste, enseignant à l’école d’art de Diyarbakir. Il a réalisé plusieurs documentaires et court-métrages, et écrit plusieurs pièces de théâtre. Il a été condamné à une peine à une peine de prison avec sursis pour avoir participé à la campagne de solidarité du journal Özgür Gündem.

Nurcan Baysal, journaliste, blogueuse, auteure engagée pour la paix et le respect des droits humains. Elle est fondatrice de l’Institut des sciences politiques et sociales à Diyarbakır, sa ville natale, où elle essaie de lutter contre l’exclusion par la pauvreté. Sur son blog, elle a raconté avec beaucoup de réalisme les massacres commis par les Forces Spéciales de la police turque à Cizre, dans le sud-est de la Turquie. Des récits qui ont été également publiés sur le site de Kedistan. Nurcan Baysal a notamment publié un livre d’entretiens sur les populations yézidis en Turquie.

Cengiz Baysoy est écrivain et journaliste, notamment pour le journal Demokratik Modernite. C’est aussi un communiste engagé, spécialiste de Marx et passionné de philosophie. Il a publié un livre sur Marx et l’autonomie communaliste, et participé à un ouvrage collectif sur la dialectique des classes sociales. Il a été condamné le 14 février 2017 à quinze mois de prison avec sursis et à 6000 lires turques d’amende, pour avoir été lui aussi «rédacteur en chef de garde» pour le journal Özgür Gündem.

Hasan Cemal est loin d’être un inconnu en Turquie. Né en 1944, il a été rédacteur en chef de Cumhuriyet, l’un des principaux quotidiens turcs, et de Sabah avant d’écrire pour Milliyet. En 2013, il démissionne du journal Milliyet qui a refusé de publier sa chronique  suite à l’intervention de Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre. Hasan Cemal fait partie de ces rares intellectuels qui, au début des années 2000, ont tenté de faire reconnaître le génocide arménien. C’est que son grand-père lui-même, Cemal Pasha, a participé à ce génocide. Il a organisé et supervisé la déportation et l’extermination de centaines de milliers d’Arméniens et de Syriaques. Alors pour se débarrasser de ce pesant héritage, Hasan Cemal s’est rendu à plusieurs reprises en Arménie, notamment au mémorial du génocide d’Erevan, la capitale du pays. Et en 2012, en réponse à l’assassinat du journaliste turc et arménien Hrant Dink, il a publié un ouvrage sur son parcours, 1915: le Génocide arménien. Hasan Cemal doit faire face à plusieurs procès, dont un pour avoir été rédacteur en chef d’un jour d’Özgür Gündem, dans le cadre d’une campagne de solidarité pour ce quotidien qui a été interdit le 16 août 2016, au prétexte de faire la propagande et d’être l’organe de presse du PKK. Dans cette procédure, il a été condamné à 6000 lires turques d’amende (environ 1500 €). En octobre 2016, Hasan Cemal s’est vu retirer sa carte de presse par la Direction chargée des médias (BYEGM), dépendant des services du Premier ministre. Ce 14 février, les procureurs ont réclamé contre lui une peine allant jusqu’à huit ans de prison. Hasan Cemal, le condamnant d’ores et déjà à 15 mois de prison avec sursis, pour “propagande d’une organisation terroriste” avec son article intitulé “Fehman Hüseyin”, tout en étant acquitté pour l’autre chef d’accusation (“apologie du crime et des criminels”). Pour mémoire, Fehman Hüseyin est l’un des principaux acteurs du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Et Cemal a beaucoup travaillé sur la longue histoire de la question Kurde.

İlhan Sami Çomak est né en 1973. Il était encore étudiant en géographie à Istanbul lorsqu’il a été arrêté, en 1994, à l’âge de 22 ans. Kurde, accusé d’avoir volontairement incendié une forêt, pour couvrir la fuite de combattants du PKK, il est emprisonné depuis 23 ans et a passé toutes ces années à écrire. Sept livres de poèmes ont ainsi vu le jour, publiés à compte d’auteur. L’un de ces recueils s’appelle Cantique écrit par les chats, un autre Bonjour la terre. İlhan Çomak écrit également des lettres ouvertes, souvent diffusées sur les réseaux sociaux, pour expliquer les mauvais traitements qu’il endure en prison : «Je n’ai rien fait pour mériter une peine si lourde. Tout au long de ma garde-à-vue, j’ai été tenu empêché de dormir et torturé. Les policiers m’ont dit qu’ils allaient tuer mon frère, violer ma soeur. Je porte encore aujourd’hui les séquelles et les cicatrices des tortures. Un jour, ils nous ont emmenés quelque part et nous ont mis des bidons dans les mains. Ils avaient convoqué la presse. Ils ont annoncé que j’avais incendié des forêts. Ils ont prétendu que j’avais provoqué la plupart des incendies d’İstanbul. C’était impossible  même pour un dragon. J’ai contesté, mais ils m’ont que le juge allait rectifier.»

Arzu Demir, est journaliste pour les agences ETHA et ANF. Elle a été condamnée à six ans de prison pour avoir écrit deux livres d’entretiens et de reportages sur des citoyens kurdes. Après une audience, qui s’est déroulée au Tribunal Pénal n°13 d’Istanbul, Arzu Demir, accusée de «propagande pour organisation terroriste», «éloge de crime et de criminels» et «incitation au crime», a écopé de 3 ans de prison, pour chacun de ses deux livres : Devrimin Rojava Hali, sur le processus révolutionnaire au Rojava et Dağın Kadın Hali, sur la place des femmes parmi les combattants. Paru en 2014, ce dernier ouvrage contient des entretiens avec onze militantes du PKK. C’est seulement après sa 7ème réédition que le Tribunal d’Istanbul a décidé de l’interdire et qu’il soit retiré des rayons des libraires. «Dans mon livre, écrit-elle, j’ai parlé de la tristesse que les femmes ressentent en laissant une vie derrière elles, en “montant à la montagne”, de la colère qu’elles ressentent envers la violence qu’elles ont vécue depuis leur enfance, la force que la montagne leur a apporté, la solidarité qu’elles ont construite face à la domination masculine, le sentiment de ne pas appartenir aux villes… Tout cela est la réalité. En résumé, pour ce livre, j’ai fait du journalisme. Je suis allée, j’ai vu, j’ai parlé, et j’ai écrit. J’ai écrit la réalité.»

Nail Demir, poète kurde emprisonné depuis 1993. Gravement malade suite à des tortures, souffrant des yeux et sans accès aux soins médicaux, il a entamé une grève de la faim en mars, soutenu par sa femme et sa famille. Nous avons très peu d’informations sur lui, et seulement deux photographies dont une ancienne et l’autre, plus récente, avec sa femme.

Ragıp Duran, né en 1954, journaliste et auteur. Il a étudié le droit en France, avant de travailler comme journaliste dans différents pays, à Londres, Amsterdam ou Boston. Il a été correspondant pour l’AFP en Turquie, puis pour Libération, sous le pseudo de Musa Akdemir. Il a déjà été emprisonné pendant sept mois et demi en 1998, pour avoir publié en 1994 un article dans Özgür Gündem (qui, déjà fermé à l’époque par décret, avait pris le nom d’Ozgür Ulke). Professeur d’éthique journalistique à l’université de Galatasaray à Istanbul, il fut désigné, en 1991, «journaliste de l’année» par l’Association des droits de l’homme de Turquie et reçut, en 1997, le prix de la liberté d’expression de l’organisation Human Rights Watch. Il est l’auteur de quatre livres (un sur la guérilla en Afghanistan, en 1980, un autre sur les «médiamorphoses», en 2000).

Ayşe Düzkan est née en 1959 et vit à Istanbul. Elle est écrivaine, journaliste et une figure de proue du féminisme en Turquie. Grande lectrice d’Anaïs Nin et Henry Miller, Elle a écrit quatre livres. Aucun d’eux n’a été traduit en français. Elle a écrit dans les journaux Radikal et Milliyet et tient des chroniques littéraires dans plusieurs suppléments hebdomadaires. Comme beaucoup d’eautres, elle est accusée d’avoir soutenu le journal Özgür Gündem en devenant l’une des rédacteurs en chef de garde pour une semaine.

Aslı Erdoğan est née en 1967. Ecrivaine avant tout, romancière et poète, elle vit et travaille à Istanbul après avoir séjourné à Cracovie ou St-Nazaire, grâce à des bourses d’écriture. Emprisonnée en août 2016 pour ses chroniques et son soutien au journal Özgür Gündem, elle est aussi connue en Turquie pour ses combats en faveur de la paix, des réfugiés et des minorités persécutées par l’État turc. Libérée sous contrôle judiciaire le 29 décembre 2016, elle ne peut quitter la Turquie et attend la quatrième audience de son procès, prévue le 22 juin, encourant la prison à vie. Ses lettres de prison ont permis d’alerter, en Europe et au Canada, sur la situation des journalistes et écrivains en Turquie. Cinq de ses livres ont été traduits aux éditions Actes Sud.

Turhan Günay est l’un des critiques littéraires les plus respectés en Turquie. Né en Emprisonné depuis le 31 octobre 2016, avec d’autres journalistes de Cumhuriyet, l’un des principaux quotidiens indépendants en Turquie. Dans une lettre ouverte publiée par Libération en janvierYigit Bener posait la question : « Qui aurait cru que Turhan Günay, rédacteur en chef depuis plus d’un quart de siècle du supplément livres de Cumhuriyet, le plus vieux quotidien laïque du pays, serait en fait un dangereux «terroriste», à la fois «putschiste islamiste» et «séparatiste kurde» ?» Une forte mobilisation des écrivains et éditeurs turcs a eu lieu en sa faveur, lors de la foire du livre d’Istanbul, en novembre 2016. A cette occasion, prenant la parole au nom du PEN Club de Turquie, Haydar Ergülen a demandé la libération immédiate de Turban Gunay et de tous les auteurs emprisonnés.


Kadri Gürsel est né en 1961, à Istanbul. Auteur et éditorialiste renommé de politique internationale, président de l’International Press Institute basé à Vienne, il est une figure de proue d’un journalisme aussi exigeant qu’indépendant, auteur d’un ouvrage en 1996, Ceux de la montagne. Plus récemment, il a écrit «Turquie, année zéro», paru aux éditions du Cerf en février 2016. Kadri Gürsel est devenu une des cibles récurrentes  du pouvoir : il a été licencié par le quotidien Milliyet en juillet 2015 pour un tweet contre le président Erdogan, et travaille depuis mai 2016 pour Cumhuriyet. C’est à ce titre qu’il a été arrêté le 31 octobre 2016, avec une dizaine d’autres journalistes du même titre.

Nazlı Ilıcak est née en 1944 à Ankara. Auteur d’une dizaine d’essais, journaliste et femme politique, elle a fait ses études dans un lycée francophone puis à l’Ecole des Sciences Politiques et Sociale, à Lausanne. Elle a été élue députée en 1999, avant d’être interdite de politique pendant cinq ans en 2001. Accusée d’appartenir au mouvement güleniste, elle est détenue depuis fin juillet 2016 à la prison pour femmes de Bakırköy.

Nadire Mater est journaliste à Bianet, essayiste et féministe. Elle a publié, en 2009, La Rue est belle : que s’est-il passé en 68 ? Lors d’un entretien avec le magazine Express, Nadire Mater expliquait : « La rue est un lieu de liberté, un lieu où l’on recherche la liberté. En tant que femme, je comprenais mieux que la rue signifiait la liberté et je le ressentais davantage. Ce n’est pas pour rien que les femmes investissent la rue. La rue est aussi un lieu de tristesse. Nous étions aussi dans la rue pour dire adieu à nos camarades qui furent assassinés à partir de 1968, et nous y sommes toujours.» Elle a comparu le 27 juin 2016 pour avoir été, comme tant d’autres, «rédacteur en chef de garde» d’Özgür Gündem, et vient d’être condamnée à quinze mois de prison avec sursis et à une amende de 6000 lires turques (1500 euros) pour sa participation, en vertu de l’article 7/2 de la loi antiterroriste sur la «propagande pour une organisation terroriste».

Ahmet Nesin, journaliste, écrivain et défenseur des droits humains, fils de l’écrivain Aziz Nesin. Essayiste avant tout, il a publié plus d’une douzaine d’ouvrages. Le 7 juin 2016, il est «rédacteur en chef de garde» d’Özgür Gündem et le 20 juin 2016, il est placé en détention sur décision de la première cour de paix du district d’Istanbul, le temps de l’enquête sur son implication présumée dans une affaire de propagande terroriste, accusé d’avoir pris part à une campagne de solidarité envers le journal Özgür Gündem : au nom du pluralisme, 56 personnalités se relaieront, entre mai et août 2016, pour prendre symboliquement la direction de ce journal persécuté par la justice. Détenu dans la prison Metris. Le 1er juillet 2016, la 14e cour pour les lourdes peines a ordonné sa libération provisoire. Il a quitté la Turquie pour se réfugier en France, où il avait déjà trouvé refuge entre 2003 et 2009. Il ne s’est donc pas rendu aux audiences du 8 novembre 2016 et du 21 mars 2017, au palais de justice d’Istanbul, encourant une peine de prison de 14 ans et demi.

Sevan Nişanyan est né en 1956 à Istanbul. Il a étudié la philosophie et les sciences politiques aux Etats-Unis avant de devenir enseignant, auteur, journaliste et linguiste, emprisonné depuis trois ans pour son livre « La fausse République ». Plusieurs peines de prison prennent le prétexte d’irrégularités sur le plan immobilier, Sevan Nişanyan ayant ouvert, en 1995, plusieurs maisons d’hôtes dans le village de Şirince, à proximité du site d’Ephèse, où il restaure d’anciennes maisons à l’abandon en respectant l’architecture traditionnelle. Il est aussi l’auteur d’un livre important sur les toponymes en Turquie, paru en 2010. En détention, il a rédigé le premier dictionnaire étymologique de la langue turque et des guides de voyage. Il a aussi écrit dans la presse (pour Taraf et Agos, le journal fondé par Hrant Dink). Actuellement incarcéré à la prison de Torbali, près d’Izmir.

Yılmaz Odabaşı, est né en 1962. Kurde, il est journaliste et poète avant tout, écrivant dans les deux langues, kurde et turc. En 1984, son premier recueil de poèmes est saisi. Parallèlement à son activité de poète, il poursuit une carrière de journaliste à Diyarbakir, écrivant aussi des chroniques pour Cumhuriyet et Radikal.  En 2000, son recueil de poèmes Rêve et vie lui vaut d’être emprisonné pour 18 mois, au cours desquels il est fait membre d’honneur du Pen Club suédois. L’écrivain a été également inculpé pour avoir «insulté» le tribunal lors de la prononciation du verdict. Ses poèmes ont été traduits en allemand et en persan, et un premier roman est édité en 2004. et s’est exilé en France pour échapper aux condamnations et protester contre un régime islamo-conservateur.

Pınar Selek est née en 1971 à Istanbul. Elle est sociologue, écrivaine et féministe. Pour échapper au harcèlement judiciaire qui dure depuis juillet 1998, presque vingt ans, elle a trouvé refuge en Allemagne puis en France. Elle a été torturée avant de se résoudre à l’exil. Quatre fois condamnée à la prison à vie, quatre fois acquittée, elle est dans l’attente d’une cinquième condamnation. Le 25 janvier 2017, après une attente qui a duré 19 années, le procureur de la Cour de Cassation a donné son avis : il demande une condamnation à perpétuité.

Ahmet Şık, journaliste et auteur de plusieurs livres. En 2011, c’est  un livre décrivant les liens entre le mouvement Gülen et l’Etat, L’armée de l’Imam, qui lui avait valu d’être arrêté par la police. Le 29 décembre 2016, il est à nouveau arrêté pour “propagande terroriste” et “humiliation en public, de la République de la Turquie, ses organes judiciaires, ses militaires et son organisation policière”. Le Procureur apporte comme “preuves” les tweets d’Ahmet Şık, ainsi que certains de ses articles dont un reportage avec Cemil Bayık, le responsable du PKK, publié le 14 mars 2015, trois articles concernant les services secrets turcs et leur rôle dans le massacre de Roboski et les camions chargés d’arsenal militaire turc destinés à Daesh.

«Le gouvernement a adopté le programme d’une dictature.» C’est en substance ce qu’a affirmé Ahmet Şık, journaliste au quotidien Cumhuriyet, lors de son audience au tribunal d’Istanbul, ce mercredi 15 février. Il avait été arrêté le 29 décembre dernier. Une nouvelle audience s’est tenue le 12 avril 2017.

Yıldırım Türker est né en 1957 à Ankara, poète et écrivain, journaliste et scénariste. Il a traduit Jean Genet, Harold Pinter et Sam Shepard en turc. Il comparaît le 26 juin 2016 pour avoir été, une semaine, «rédacteur en chef de garde» du journal Özgür Gündem, c’est-à-dire, dans la bouche du procureur, pour « propagande pour une organisation terroriste ». Le 7 mars 2017, il est condamné à une peine de prison avec sursis d’un an, dix mois et quinze jours.

Murat Uyurkulak est né en 1972 à Aydin, en Turquie. Exclu de l’université, il exerce divers métiers de serveur, technicien, traducteur, journaliste et éditeur. Son premier roman, Tol, publié en 2002 en Turquie, a très vite été acclamé par la critique, qui a vu en lui une nouvelle voix de la littérature turque contemporaine. Adapté au théâtre, Tol a connu un second succès et a été traduit en français, pour être  publié aux éditions Galaade. Menacé de prison pour son soutien au journal Özgür Gündem, il a été condamné le 7 mars 2017 à une peine de quinze mois avec sursis pour propagande terroriste.

Eşber Yağmurdereli est écrivain et aveugle, dramaturge et militant des droits de l’homme. Arrêté pour la première fois en 1978, il a été condamné à mort, une peine commuée en prison à vie. Libéré à titre temporaire, pour raisons de santé, de novembre 1997 à juin 1998,  il est retourné en prison. Il a déjà purgé  quatorze ans d’emprisonnement quand il est à nouveau incarcéré en octobre 2004, pour une nouvelle peine de vingt-trois ans. Son crime ? Avoir réuni un million de signatures pour la paix au Kurdistan.

Deniz Yücel est né en 1973 en Allemagne de parents turcs, ce qui lui vaut la double-nationalité. Journalise pour Die Welt, il a publié deux livres en Allemagne et a été arrêté lors d’un reportage en Turquie. Après treize jours de garde à vue, la justice turque a ordonné le 27 février 2017 qu’il soit placé en détention en l’attente de son procès. Il encourt jusqu’à cinq ans de prison. En signe de soutien, Die Welt a publié un éditorial intitulé : “Nous sommes Deniz” et 160 députés du Bundestag ont signé une lettre ouverte de protestation. Une pétition en sa faveur circule sous le hashtag #FreeDeniz. Un rassemblement solidaire a eu lieu dès  le 28 février 2017 devant l’ambassade de Turquie à Berlin, à l’appel de la Fédération des journalistes et des Verts.

En conclusion

« Il y a 70 ans, c’étaient les poètes que l’on mettait en prison en Turquie. Il y a 30 ou 40 ans, c’étaient les romanciers. Maintenant, ce sont les journalistes. Un tweet fait plus de bruit qu’un roman, qu’un film ou qu’une oeuvre d’art. Ce qui est difficile aujourd’hui c’est d’être un journaliste en Turquie » Voilà ce que déclarait il y a peu le romancier Hakan Günday à Stéphanie Fontenoy, lors d’un entretien pour la presse belge. Et ses propos résument bien la situation. Car s’il y a dans notre liste des écrivains emprisonnés ou menacés de l’être, c’est plus souvent en raison de leurs écrits dans la presse, de leurs déclarations sur des plateaux télé ou sur les réseaux sociaux que pour leurs livres. Et excepté quelques poètes, arrêtés eux pour leur positionnement politique ou le fait qu’ils soient kurdes, les autres sont avant tout journalistes, et comme tout journaliste qui se respecte, ils n’écrivent pas que dans la presse, mais publient aussi des livres. Ce qui est menacé, somme toute, c’est la liberté d’expression sous toutes ses formes…

Les vendredis poétiques Thé, café et poésie 2017

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Vendredi 14 avril à 20h30
L’AFRIQUE(S) s’invite à l’écume…- île de Groix

BILOR - Photo-Fanny-Penin-656

Bilor et son spectacle BLACK PALABRES célèbrent les paroles des poétes africains d’hier et d’aujourd’hui depuis les chantres de la négritude : Léon Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire jusqu’aux voix contemporaines : Abdourahman Waberi, Ananda Devi

Un spectacle en textes et en musique intense grâce au talent de Bilor et à l’intimité offerte aux mots et au public. La scénographie dépouillée, intimiste, frontale permet aux poémes de se déployer pour nous offrir une traversée des humanités.

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Vendredi 21 avril à 19h30
Rendez-vous poétique entre deux rives
à Gwrizienn – Bécherel

La poésie océanienne est à l’honneur en compagnie de Anne Bihan autour de son recueil Ton ventre est l’océan (éditions Bruno Doucey). Anne Bihan nous lira ses poèmes et les textes de poétes océaniens contemporains extraits notamment de l’anthologie Outremer, trois océans en poésie (éditions Bruno Doucey). Une soirée métissée entre Bretagne et Nouvelle-Calédonie, entre Atlantique et Pacifique.

Informations & réservations :
L’écume… – 0297564267
Gwrizienn – 0299668709

& En un clic : Thé, café et poésie 2017

Abdellatif Laâbi & Le principe d’incertitude

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Abdellatif Laâbi
Le Principe d’incertitude
éditions de La Différence, Paris, 2016

Les mots que j’ai élevés
nourris, vêtus, soignés
et lancés dans la langue
ne me reconnaissent plus
Je les soupçonne de nourrir à mon égard
de noirs desseins
Qu’ils aillent au diable !

L’humour jaillit dans la première partie de ce recueil intitulée La vipère et la corde et dans laquelle Abdellatif Laâbi nous dévoile ses pillages. Saisissement des mots qui se rebellent à leur tour et ce principe d’incertitude qui se dévoile et fait vaciller le poète. Alors l’absence de désir surgit

face au chaos du monde 
et son insaisissable réalité ?

et introduit Lassitude, un poème en guise de (vaine ?) révolte

Je suis las d’une époque pitoyable
obscène

IL nous entraîne ensuite dans un voyage imaginaire – l’ultime ? – solitaire où face à l’étroitesse des chemins, IL se métamorphose mi-homme, mi-oiseau pour échapper à la pesanteur du néant puis se recentrer, se reposer. Et, puis vient le temps de l’inventaire amer et douloureux qui s’apaise quand

Le dire
est revenu

Juste avant,  Fermé pour inventaire nous invite à une visite de l’atelier du poète, ce mouchoir de poche où les poèmes se forgent, le monde se pense, d’où Abdellatif Laâbi nous interpelle

Que voulez-vous ?
je me le demande
Peut-être rien
après tout
Vous voulez juste
que ce fou furieux
cesse de vous jeter des cailloux
Qu’il aille prêcher
dans un autre désert que le vôtre
Que la belle et si confortable routine
reprenne le dessus
Que la langue soit réduite
à ses plus simples expressions :
Passe-moi le sel
Ta gueule
Cliquez
Gagnez
Fuck Fuck Fuck
et tout est dit !

Abdellatif Laâbi OLNI

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Abdellatif Laâbi
Le livre imprévu
Éditions de la Différence, Paris, 2009

De tâtonnement en tâtonnement, je me suis mis à revisiter des pans entiers de ma vie avec leur cortège de rencontres, de découvertes et de passions, tout cela en synchronie avec des expériences, des événements, des émotions, vécus au présent et dans le passé le plus proche.

ONLI : objet littéraire non identifié car ce qui devait être un journal intime s’incline à la page 43 face au cher pays d’Abdellatif Laâbi : le Maroc avec lequel il vit une relation passionnelle. Ce Maroc qui le happe, l’exile et l’éloigne de toute contrainte chronologique. Car, dès lors, la pensée du poète s’échappe et nous cheminons auprès de lui au gré de ses souvenirs, de ses réflexions, de ses engagements, de ses pays rêvés et fréquentés, de ses affections éternelles. De voyages immobiles en périples littéraires, la conversation avec Abdellatif Laâbi est légère ou profonde selon qu’il s’indigne ou s’enthousiasme, se remémore ou se moque. Son humour lapidaire se joue de nous, de lui, de l’agitation humaine. Ce récit est aussi un manifeste contre toutes les barbaries et pour la liberté comme cet hommage adressé à son ami Abraham Serfaty :

Ton honneur à toi, qui te survivra et servira d’exemple, espérons-le, est celui d’avoir été un homme libre à un tournant de l’histoire où beaucoup,
esclaves de leurs préjugés, se sont accommodés de la barbarie,
quand ils n’y ont pas trempé
.

La liqueur d’Aloès Jocelyne Laâbi

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Jocelyne Laâbi
La Liqueur d’aloès
Éditions de la Différence, Paris, 2015

 

 

Etais-je préparée ? Je connaissais comme lui les risques que son engagement politique nous faisait prendre. On a beau savoir, quand cela vous tombe dessus c’est une tout autre affaire,
c’est un monde qui s’écroule. Et mon monde s’écroula ce jour-là
.

Elle, petite fille de 7 ans née à Lyon, traverse la Méditerranée car sa famille s’installe à Meknès au Maroc. Nous sommes en 1950 et cette enfant aux longues nattes et aux ongles rongés n’est autre que Jocelyne Laâbi, la narratrice. Au Maroc, elle apprend la lumière, le secret de famille – qui révélé l’éloignera de son père aimé – et rencontre la société marocaine. Elle éprouve sa liberté, écoute du jazz, suit des cours d’art dramatique et rencontre Abdellatif Laâbi qu’elle épouse en 1964. Le rythme du quotidien s’accélère entre la naissance des enfants et celle de la revue Souffles en 1966. Créée par des écrivains, plasticiens, intellectuels marocains, dirigée par son mari, la revue poétique heurte, par ses partis-pris esthétiques et ses engagements politiques, un pouvoir marocain arbitraire et archaïque. Tout bascule lorsque son époux Abellatif Laâbi est arrêté en 1972 puis emprisonné pendant huit années. Huit années de combat(s) qui sont racontées dans ce récit plein de vie, d’émotion et d’engagements.

Un jour, tu m’as ordonné la joie. J’ai compris que c’était nécessaire, que c’était vrai, vivant, et que nous tenions notre bonheur dans nos mains. Maintenant je suis heureuse et je sais l’être, je sais le reconnaître.

Jocelyne Laâbi retrace son parcours avec une sensibilité et une émotion si justes qu’elle nous donne le sentiment d’être à ses côtés lorsqu’elle découvre le Maroc, lorsqu’elle parle de son père, lorsqu’elle évoque les états d’âme de son adolescence, sa trajectoire de femme. Et puis vient la rupture, la vie sans l’être aimé, la peur de le perdre dans ces prisons marocaines à la sinistre réputation. Alors elle se bat sans rien cacher de ses découragements, de ses énervements, de ses élans, de son amour, de cette indépendance acquise dans ses années 70. Ses lettres écrites à son mari sont belles et bouleversantes et viennent ponctuer le récit de mots poétiques, profonds, plein d’élans et d’envies. Ces échanges épistolaires révèlent son énergie à construire leur amour et leur famille malgré la séparation, à soutenir son mari et leurs ami(e)s, à poursuivre le combat, à travailler et à vivre aussi… entre tout ça. Cette intimité partagée avec pudeur, humour, vérité nous capte et donne à ce récit une dimension universelle. La Liqueur d’aloès est un très beau portrait de femme et une ode à la liberté, à la résistance.