Abdellatif Laâbi
Le Principe d’incertitude
éditions de La Différence, Paris, 2016

Les mots que j’ai élevés
nourris, vêtus, soignés
et lancés dans la langue
ne me reconnaissent plus
Je les soupçonne de nourrir à mon égard
de noirs desseins
Qu’ils aillent au diable !

L’humour jaillit dans la première partie de ce recueil intitulée La vipère et la corde et dans laquelle Abdellatif Laâbi nous dévoile ses pillages. Saisissement des mots qui se rebellent à leur tour et ce principe d’incertitude qui se dévoile et fait vaciller le poète. Alors l’absence de désir surgit

face au chaos du monde 
et son insaisissable réalité ?

et introduit Lassitude, un poème en guise de (vaine ?) révolte

Je suis las d’une époque pitoyable
obscène

IL nous entraîne ensuite dans un voyage imaginaire – l’ultime ? – solitaire où face à l’étroitesse des chemins, IL se métamorphose mi-homme, mi-oiseau pour échapper à la pesanteur du néant puis se recentrer, se reposer. Et, puis vient le temps de l’inventaire amer et douloureux qui s’apaise quand

Le dire
est revenu

Juste avant,  Fermé pour inventaire nous invite à une visite de l’atelier du poète, ce mouchoir de poche où les poèmes se forgent, le monde se pense, d’où Abdellatif Laâbi nous interpelle

Que voulez-vous ?
je me le demande
Peut-être rien
après tout
Vous voulez juste
que ce fou furieux
cesse de vous jeter des cailloux
Qu’il aille prêcher
dans un autre désert que le vôtre
Que la belle et si confortable routine
reprenne le dessus
Que la langue soit réduite
à ses plus simples expressions :
Passe-moi le sel
Ta gueule
Cliquez
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Fuck Fuck Fuck
et tout est dit !